Aujourd'hui, le système des retraites comporte 42 régimes distincts, avec des règles différentes selon les professions et les statuts. Dans le cadre de la réforme envisagée, l’Exécutif souhaite uniformiser la protection sociale dans le champ des retraites en appliquant les mêmes règles de calcul pour tous (« un euro cotisé donnera les mêmes droits, quel que soit le statut du cotisant, quel que soit le moment où il aura cotisé »).
Comme l’a précédemment indiqué Jean-Hervé Lorenzi, nous avons cherché à caractériser le système actuel par la méthode de l'analyse factorielle multiple. Plus précisément, quatre questions ont été explorées :
- quelles sont les variables qui caractérisent les différents régimes de retraite ?
- quels sont les moteurs de l’hétérogénéité des régimes ?
- quel pourrait être l'effet de la réforme envisagée ?
- peut-on considérer l'épargne pour la retraite comme un facteur de convergence ?
Un point de méthode, tout d’abord. Sur les 42 Caisses de retraite existantes, nous avons sélectionné 30 Caisses, ces dernières couvrant aujourd'hui 99 % de l'effectif des actifs. Ensuite, pour constituer la base de données socle de l’étude, nous avons retenu 12 variables :
- des variables financières : la valeur de la pension moyenne, le taux de cotisation, la part de cotisation salariale, les réserves financières,
- des variables démographiques dont le taux de pension de réversion,
- des variables historiques afin de prendre en compte l’évolution des différents régimes.
Ainsi formalisé, le modèle permet de distinguer quatre groupes qui correspondent aux différentes catégories d’actifs :
- les salariés relevant du régime général,
- les salariés relevant des régimes spéciaux,
- les professions libérales,
- les indépendants et travailleurs agricoles.
Alimenté par les hypothèses à notre disposition, le modèle prédit la convergence de l'essentiel des régimes, mais pronostique une dispersion très importante qui affecte les Caisses des Libéraux et des indépendants. Cette difficulté appelle à clarifier l'articulation entre les divers objectifs de la réforme, et notamment les principes qui doivent permettre de structurer l'enjeu d'équité.
Pour traiter la question de l'épargne pour la retraite, nous nous sommes appuyés sur les travaux de Thomas Weitzenblum, Professeur d’économie à l’Université du Maine, et sur l'hypothèse d'une surcotisation de l'ordre de 3 % des revenus. La cartographie montre que ce sont les professions libérales, les indépendants et les travailleurs agricoles qui constitueraient les catégories les plus favorablement impactées.
Au global, notre modèle confirme qu'il ne faut pas confondre régime universel et régime unique, ce qui est conforme à la notion même de convergence. En outre, l'étude permet de préciser quels sont les paramètres permettant de construire un système adaptable et pérenne. De la sorte, poser les bonnes questions ne revient pas à réfléchir uniquement sur le taux de cotisation ou la part salariale ; la délibération pouvant porter tout aussi bien sur les réserves des régimes. Concernant les variables démographiques, de notre point de vue, seul le taux de réversion est susceptible de faire l'objet de débats. La prise en compte des variables historiques prend tout son sens alors qu'on observe un « décrochage » de la progression des pensions par rapport aux salaires. En conclusion, il convient d’examiner précisément chaque point : c’est tout l'intérêt du dispositif de concertation promu par le Haut-Commissaire et des travaux préparatoires de la réforme.
Consultez le diaporama de la cartographie des Caisses de retraite en France en cliquant ici.